La marque SHEIN fait l’objet de multiples critiques en France, tant sur le plan commer­cial que social et envi­ron­ne­men­tal. Voici un pano­rama des prin­ci­paux griefs qui sont repro­chés à cette plate­forme de vente en ligne :

  1. Pratiques commer­ciales trom­peuses envers les consom­ma­teurs (réduc­tions fictives, publi­cité mensongère).
  2. Manquements aux obli­ga­tions en matière de données person­nelles et de cookies.
  3. Impacts sociaux et envi­ron­ne­men­taux liés au modèle “ultra fast-fashion”.
  4. Concurrence déloyale, modèle écono­mique et effets néfastes sur le secteur textile français.

Nous allons détailler ces diffé­rents points en appor­tant des infor­ma­tions concrètes et argu­men­tées pour mieux comprendre ce phénomène.

1. Pratiques commer­ciales trompeuses

  • La DGCCRF (Direction géné­rale de la concur­rence, consom­ma­tion et répres­sion des fraudes) a sanc­tionné SHEIN pour des « pratiques commer­ciales trom­peuses » : entre octobre 2022 et août 2023, 57 % des offres étudiées ne compor­taient aucune réduc­tion, 19 % une réduc­tion plus faible que celle annon­cée, et 11 % étaient en fait des augmen­ta­tions déguisées.

  • En consé­quence, SHEIN s’est vu infli­ger une amende de 40 millions d’euros en France pour ces pratiques.

  • Au-delà des remises, la marque est accu­sée de sures­ti­mer ou de mal justi­fier ses enga­ge­ments “verts” (« réduc­tion de 25 % des émis­sions de gaz à effet de serre ») ou d’afficher un posi­tion­ne­ment respon­sable sans preuve suffisante.

2. Données person­nelles et cookies

  • La CNIL (Commission natio­nale de l’informatique et des liber­tés) a infligé en France une amende de 150 millions d’euros à SHEIN pour avoir placé des cookies sans consen­te­ment et ne pas avoir informé correc­te­ment les utili­sa­teurs. CNIL

  • Cela soulève des ques­tions sur le respect de la vie privée, sur la façon dont les données sont collectées/utilisées, et sur l’opa­cité de certaines procé­dures de tracking sur la plateforme.

3. Impacts sociaux et environnementaux

  • Le modèle “ultra fast-fashion” de SHEIN est criti­qué : produc­tion massive, renou­vel­le­ment très rapide des collec­tions, prix très bas, ce qui pose des problèmes de qualité, de dura­bi­lité et de ressources. France.tv

  • Une enquête de l’OECD (Organisation de coopé­ra­tion et de déve­lop­pe­ment écono­miques) en France a conclu que SHEIN ne respec­tait pas les “prin­cipes direc­teurs” de l’OCDE en matière de droits sociaux et envi­ron­ne­men­taux. Novethic

  • On peut aussi poin­ter des effets envi­ron­ne­men­taux liés à l’utilisation fréquente de fibres synthé­tiques, à des trans­ports rapides souvent inter­na­tio­naux, à la produc­tion “jetable”. Même si SHEIN reven­dique des objec­tifs (par ex. vali­dés par la Science Based Targets initia­tive), le modèle sous-jacent reste très contesté. Novethic

4. Effets écono­miques sur le secteur de la mode

  • Le déve­lop­pe­ment de SHEIN en France est vu comme une menace ou une concur­rence non équi­table par certains acteurs du secteur textile : marques fran­çaises, commerce local, produc­tion euro­péenne. Par exemple, l’arrivée de SHEIN dans des grands maga­sins fran­çais a provo­qué des réac­tions de four­nis­seurs et de marques fran­çaises. Le Monde.fr

  • Le modèle à prix ultra-bas permet de “casser” les condi­tions de marché tradi­tion­nelles (coûts de produc­tion, normes, chaînes de distri­bu­tion). Cela suscite un débat plus large sur la régu­la­tion de l’« ultra fast fashion » en France. Euronews

Quelques réflexions et interrogations

  • Bien que SHEIN ait été sanc­tionné et que des mesures correc­tives aient été annon­cées, la dura­bi­lité de ces chan­ge­ments reste à confirmer.

  • Le modèle sous-jacent (produc­tion ultra rapide + renou­vel­le­ment fréquent + prix très bas) peut être fonda­men­ta­le­ment en tension avec les objec­tifs sociaux et environnementaux.

  • Les ques­tions de trans­pa­rence sur les chaînes de produc­tion, les condi­tions de travail, l’origine des matières, restent large­ment soule­vées même si elles ne sont pas toujours docu­men­tées publi­que­ment pour chaque marque.

  • Il y a aussi une dimen­sion consu­mé­riste : la façon dont les tech­niques de marke­ting (noti­fi­ca­tions, stocks limi­tés, “bons plans”) poussent à une consom­ma­tion impulsive.

Voici un examen plus appro­fondi des enquêtes et des consé­quences locales en France concer­nant la marque :

Conditions de travail et chaînes d’approvisionnement

Même si ces enquêtes ne sont pas exclu­si­ve­ment centrées sur la France (une grande partie concerne la produc­tion en Chine et à l’étranger), elles ont un écho fort en France car elles inter­rogent la respon­sa­bi­lité sociale de la marque présente sur le marché français.

  • Une enquête de l’ONG (et d’autres) révèle que dans certains ateliers four­nis­seurs de SHEIN en Chine :

    “Une moyenne de plus de 75 heures de travail par semaine avec un seul jour de congé par mois.”
    “Salariés payés à la pièce, sans contrat de travail, pas de protec­tion sociale.”
    Ces condi­tions montrent des pratiques grave­ment en tension avec les stan­dards inter­na­tio­naux du travail.

  • Concernant l’entreprise en tant que telle, la (OCDE) a rendu un verdict :

    La cellule fran­çaise (PCN) de l’OCDE juge que SHEIN « ne répond pas aux prin­cipes direc­teurs en matière de droits sociaux et d’objectifs envi­ron­ne­men­taux ».
    Autrement dit, même si la produc­tion n’est pas majo­ri­tai­re­ment en France, la marque est tenue respon­sable de ses chaînes d’approvisionnement vis-à-vis des marchés fran­çais et européens.

  • Traçabilité et trans­pa­rence : L’OCDE mentionne aussi que SHEIN ne se conforme pas à la légis­la­tion fran­çaise (loi AGEC) qui impose l’information sur l’origine des opéra­tions de confection.

Implication en France : Même si les ateliers sont majo­ri­tai­re­ment à l’étranger, toute marque vendant sur le marché fran­çais doit respec­ter certains stan­dards sociaux et envi­ron­ne­men­taux. Les enquêtes montrent que SHEIN est forte­ment mise en cause sur ces aspects et cela alimente le débat public en France.

Impacts écono­miques et loca­li­sés en France

Voici quelques-unes des consé­quences signa­lées pour le marché français :

  • Un rapport du cabi­net pour SHEIN indique pour la France une contri­bu­tion esti­mée à 640 millions d’euros d’impact (dont ~337 millions d’euros d’impact direct) et soutien d’environ 2 900 emplois. Cela montre que SHEIN véhi­cule une certaine acti­vité écono­mique en France.

  • Toutefois, un autre angle souligne que le secteur textile fran­çais a perdu envi­ron 400 000 emplois en 30 ans, ce qui met le modèle “ultra-fast fashion” en tension avec la produc­tion locale.
    Certains sondages montrent que près de la moitié des Français estiment que SHEIN nuit à l’emploi local.

  • Le débat autour de l’arrivée physique de SHEIN dans des grands maga­sins fran­çais (comme ) est aussi un marqueur de cette tension. Les réac­tions du secteur mode et des commerces de proxi­mité sont fortes.

Implication en France : Le modèle écono­mique de SHEIN (prix très bas, renou­vel­le­ment rapide) exerce une pres­sion sur les acteurs locaux (produc­tion, commerce) et pose la ques­tion de l’équité concur­ren­tielle. Même s’il y a apport d’emplois, le débat se concentre sur la qualité de ces emplois, la loca­li­sa­tion réelle de la valeur ajou­tée, et l’effet « dévoyé » sur les filières françaises.

Que peut-on en conclure ?

  • Il existe un écart terri­to­rial : beau­coup de produc­tion est faite à l’étranger, mais la marque struc­tu­rel­le­ment vend en France. Cela pose la ques­tion : doit-on davan­tage régu­ler non seule­ment la vente mais aussi la fabri­ca­tion sous traitée ?

  • Le débat en France ne se limite pas aux condi­tions de travail, mais englobe aussi : la dura­bi­lité (matières, micro­plas­tiques), la surcon­som­ma­tion et l’empreinte envi­ron­ne­men­tale. Par exemple : « les vête­ments en poly­es­ter se dégradent rapi­de­ment et relâchent des microplastiques ».

  • Sur le plan poli­tique et régle­men­taire, la France se pose en pion­nière pour régu­ler le “ultra-fast fashion”. Le cas SHEIN est devenu un cata­ly­seur du débat pour faire évoluer la législation.

Quelles sont les preuves concrètes ?

Voici ce qu’on peut trou­ver préci­sé­ment sur les four­nis­seurs (et les parte­naires asso­ciés) de SHEIN et sur les réponses des auto­ri­tés et de la marque en France. Nous donnons d’abord les cas concrets iden­ti­fiés, puis les réac­tions offi­cielles et la posi­tion de SHEIN.

Des cas concrets et iden­ti­fiés (noms, lieux et preuves)

  • Nombreux four­nis­seurs loca­li­sés à Panyu (Guangzhou, province du Guangdong, Chine) : plusieurs enquêtes jour­na­lis­tiques et ONG (Public Eye, BBC, etc.) ont enquêté sur des ateliers et usines de ce district (les « SHEIN villages ») qui livrent massi­ve­ment pour SHEIN. Les rapports évoquent des usines de petite à moyenne taille employant de 40 à 200 personnes, parfois recou­rant à des sous-trai­tants non décla­rés. Les enquêtes ont docu­menté les produits estam­pillés SHEIN présents sur les lignes de produc­tion et des témoi­gnages d’ouvriers. Public Eye Stories

    Remarque : SHEIN ne publie pas la liste publique de ses four­nis­seurs, ce qui limite la possi­bi­lité de citer des noms d’usines précis dans des sources publiques véri­fiables. Les ONG ont toute­fois iden­ti­fié des ateliers par terrain et photo­gra­phies, parfois sans toujours divul­guer les noms par sécu­rité. Public Eye

  • Ateliers clan­des­tins et recours à la sous-trai­tance : des enquêtes récentes (Novethic, Public Eye, autres médias) indiquent que SHEIN solli­cite parfois des ateliers « clan­des­tins » lors des pics de produc­tion — ateliers où les règles sociales ne sont pas respec­tées. Ces inves­ti­ga­tions citent des exemples concrets d’ateliers inspec­tés en Chine mais sans toujours publier le nom commer­cial exact (pour des raisons de sécu­rité des sources). Novethic

  • Présence logis­tique en Europe / France (entre­pôts, points de distri­bu­tion, maga­sins) : SHEIN déve­loppe un réseau d’entrepôts « inter­na­tio­naux » pour réduire les délais (centres régio­naux « QuickShip »). En France on observe aussi l’ouverture de boutiques/espaces physiques (ex. BHV/Paris), la mise en place d’opérations logis­tiques en Île-de-France (enquêtes sur entre­pôts locaux) et des parte­na­riats commer­ciaux (ex. accord commer­cial récent avec Pimkie — contesté). Ces acteurs locaux (opéra­teurs de maga­sins, loueurs d’entrepôts) sont docu­men­tés par la presse fran­çaise. LINKO

Des preuves docu­men­tées (condi­tions consta­tées chez des fournisseurs)

  • Heures de travail très longues (jusqu’à ~75 h/semaine), rému­né­ra­tion à la pièce, jours de repos quasi inexis­tants — attes­tés par inter­views sur le terrain (Public Eye, BBC, enquêtes parte­naires). Public Eye

  • Absence ou faiblesse des contrats formels, pratiques de sous-trai­tance opaques, et audits internes dont la crédi­bi­lité est remise en ques­tion par ONG. Public Eye

Les réponses des auto­ri­tés fran­çaises et internationales

  • DGCCRF (France) : enquête et sanc­tion pour pratiques commer­ciales trom­peuses (fines impor­tantes — exemple récent : 40 M€ pour remises trom­peuses et allé­ga­tions envi­ron­ne­men­tales discu­tables). Ces procé­dures ciblent la vente en France et la manière dont les offres sont présen­tées aux consom­ma­teurs. FashionNetwork Danmark

  • CNIL (France) : amende histo­rique pour cookies et collecte de données (exemple cité précé­dem­ment : 150 M€). Cela concerne la confor­mité au RGPD/CNIL sur la collecte de données des utili­sa­teurs fran­çais. (voir plus bas pour la source CNIL si vous voulez le PDF officiel).

  • PCN-OCDE (cellule fran­çaise des Principes direc­teurs) : conclu­sion de non-confor­mité avec les Principes direc­teurs de l’OCDE — le PCN a offi­ciel­le­ment relevé plusieurs manque­ments sur la gestion de la chaîne d’approvisionnement, la préven­tion et la remé­dia­tion des impacts sociaux/environnementaux. Trésor Public

  • Procédures judi­ciaires / enquêtes en cours : parquet de Paris et autres auto­ri­tés ont ouvert des enquêtes (notam­ment liées à la mise en vente de produits illé­gaux sur des market­places, et des inves­ti­ga­tions plus larges sur confor­mité). AP News

La réponse publique de SHEIN (que dit la marque)

  • Position offi­cielle : SHEIN affirme coopé­rer avec les auto­ri­tés, déclare mener des audits four­nis­seurs, et publie rapports RSE/« sustai­na­bi­lity » (indi­quant des objec­tifs de réduc­tion d’émissions, audits, programmes de confor­mité). Elle conteste souvent l’universalité des conclu­sions ou met en avant des plans d’amélioration. Public Eye

  • Actions opéra­tion­nelles récentes : suspen­sion tempo­raire de certaines catégories/annonces problé­ma­tiques (ex. suppres­sion d’annonces tierces liti­gieuses), commu­ni­ca­tion publique desti­née à amélio­rer l’image (lobbying et recru­te­ment de conseillers en RSE/affaires publiques en France). AP News

Pourquoi il est diffi­cile d’obtenir une liste « fran­çaise » de fournisseurs

  • SHEIN centra­lise la produc­tion en Chine et via un réseau d’énormes sous-trai­tants — il n’y a pas (ou peu) de four­nis­seurs « made in France » pour la confec­tion : la quasi-tota­lité des ateliers iden­ti­fiés sont en Asie (Chine, Vietnam, etc.).

  • En France on trouve surtout des parte­naires logis­tiques, entre­pôts, espaces de vente et non des usines textiles. Les ONG ont donc concen­tré les inves­ti­ga­tions en Chine (Panyu/Guangzhou) où se trouvent les usines. Public Eye

Documents et sources d’in­for­ma­tion complémentaires

Voici des rapports publics (PDF) et enquêtes terrain utiles à consulter :

  • Rapport Public Eye « Trimer pour SHEIN » (enquête terrain + annexes). Public Eye

  • Communiqué / avis du PCN-OCDE sur SHEIN (France) — PDF offi­ciel du Trésor. Trésor Public

  • Articles d’investigation BBC / Reuters / Le Monde sur Panyu, sur les enquêtes fran­çaises et sur l’ouverture du maga­sin BHV (contexte fran­çais). Business & Human Rights Resource Centre

  • Ci-dessous une synthèses des prin­ci­pales sources d’in­for­ma­tion utili­sées dans cet article :
Fabien Perez