Le nouveau surnom de Trump, TACO, est l’acronyme de « Trump Always Chickens Out ». Traduisez par : « Trump se dégonfle toujours ». Il revient dans l’actualité suite à la décision de Donald Trump de changer de cap concernant son opposition à l’acquisition de Nippon Steel par US Steel. Les précédents changements de politique de Trump concernant les tarifs douaniers, la guerre russe contre l’Ukraine et la réduction du déficit ont conduit les commentateurs à surnommer le président de TACO.
Un PDG se demande souvent comment il peut faire entrer son entreprise dans une nouvelle ère de croissance. Son interrogation rejoint celle de Trump, car ils cherchent tous deux à gérer le changement. Ils ont tous deux une vision audacieuse et sont confrontés à un choix : dois-je faire des déclarations définitives ou avancer par petites étapes, en mesurant les progrès en fonction de ce que j’apprends et de ce qui fonctionne ?
Les grandes actions audacieuses et les petits pas d’apprentissage sont des stratégies de leadership différentes. La deuxième présidence de Trump a été marquée par une série de mesures politiques audacieuses. Que l’on soutienne ou non sa politique, il est indéniable que Trump représente un changement radical dans l’idéologie qui gouverne les États-Unis.
Il a lancé certaines de ces mesures avec beaucoup de théâtralité, comme l’annonce, le jour de l’Indépendance, de ses tarifs douaniers massifs sur presque tous les pays du monde. Ces tactiques visent à attirer l’attention sur ses actions dans l’espoir de s’assurer le soutien du pays.
Le TACO est-il une stratégie d’entreprise intéressante
Le défi pour Trump réside dans la spécificité de ses actions : droits de douane d’un certain pourcentage, engagement à mettre fin à une guerre dans un délai précis, opposition à un accord de rachat d’une entreprise étrangère. Autant de positions ou de politiques qui permettent de mesurer s’il a agi comme il l’avait promis. Soit il maintient sa position sur ces choix précis, soit il change de cap. Ce revirement apparent dans ses positions est à l’origine de l’étiquette de « président TACO ».
C’est précisément ce que souhaite éviter un PDG lorsqu’il s’engage dans la transformation d’une entreprise. Lui aussi doit relever un défi majeur : propulser une entreprise prospère et rentable vers un nouveau sommet face aux menaces sérieuses des ruptures technologiques.
Un dirigeant d’entreprise évolue bien sûr à une échelle considérablement réduite, comparé au Président des États-Unis. Néanmoins, il cherche lui aussi à définir une ambition à la hauteur du défi posé et à faire sortir les gens de leur zone de confort. Il souhaite aider l’entreprise à passer à la vitesse supérieure et à trouver une voie de croissance qui lui permette d’exploiter pleinement son potentiel. L’équipe qu’il dirige se concentre sur les pressions opérationnelles et réglementaires qui, bien qu’importantes, ne garantiront pas la croissance à long terme de l’entreprise.
Il s’agit d’une rupture radicale pour une entreprise qui, depuis toujours, privilégie la performance opérationnelle. Elle a négligé son infrastructure administrative et n’a pas investi dans ses équipes de manière à atteindre des niveaux de performance plus élevés. Elle dispose de grandes opportunités et, avec une nouvelle stratégie de développement, d’un potentiel de croissance prometteur.
Quel pourrait être le modèle-type du dirigeant TACO
Ce PDG pourrait faire un pas en avant en annonçant qu’il rompt avec le passé et développe un nouveau modèle économique. Par exemple, de nombreux acteurs sont présents à proximité des entreprises numériques ou d’IA en vente directe. L’entreprise du PDG est une entreprise physique avec des systèmes principalement analogiques.
Le PDG pourrait alors voir grand avec une vision visant à transformer l’entreprise et à la rendre entièrement numérique. Cette stratégie de « réduction du passé » pourrait plaire aux investisseurs en croissance, avides de preuves d’actions radicales pour infléchir la courbe de croissance. Cela marquerait un nouveau paradigme pour l’entreprise, dans l’espoir d’inciter par la peur les dirigeants historiques à agir.
Cependant, le succès dépendra de la pertinence des actions annoncées par le PDG. Que se passera-t-il si les consommateurs refusent d’acheter directement ? Que se passera-t-il si les clients existants se ruent sur la concurrence, craignant d’être laissés pour compte ? Que se passera-t-il si les talents dont dépend son entreprise actuelle fuient vers des horizons plus cléments, craignant pour leur emploi ?
La réponse est simple : il lui faudrait rapidement changer de cap pour préserver les revenus et pérenniser l’entreprise. Il serait également un leader TACO. Le défi d’une approche audacieuse et décisive du leadership réside dans la nécessité de bien faire les choses. Sinon, il risque de revenir en arrière pour corriger les erreurs.
Le management TACO confronté à l’Ambition
Je suis tout à fait favorable à l’ambition. Face à une opportunité de rupture, la meilleure option est de définir une nouvelle échelle d’ambition. Cela redéfinit les attentes de l’équipe quant à ce qu’elle doit accomplir et lui permet de réfléchir à une nouvelle échelle. Cependant, si votre ambition comprend de nombreuses actions spécifiques, vous courez le risque de vous tromper.
Les défis auxquels Trump est confronté sont extrêmement complexes. Les États-Unis accusent un déficit budgétaire colossal (c’est un euphémisme), financé par des investisseurs internationaux, dont de nombreux Japonais et Chinois. Toute mesure concernant les droits de douane affecte leur volonté d’acheter cette dette et, ainsi, de financer l’avenir du gouvernement américain. Il s’agit d’une interaction complexe entre de multiples facteurs.
Les actions de Trump pourraient avoir un impact positif sur le problème. Cependant, l’ampleur de ces choix est sans précédent et leurs conséquences inconnues. Il a déjà compris que le marché obligataire constitue une contrainte pour ses actions, ce qui l’a poussé à renoncer à imposer ses tarifs douaniers massifs.
Quelle est l’alternative au leadership façon TACO
L’alternative aux actions audacieuses et précises, qu’il faudra ensuite inverser, est de s’engager dans une stratégie d’apprentissage. Il faut toujours une ambition audacieuse et une vision du résultat à long terme que l’on cherche à obtenir. Mais au lieu d’un plan d’action prédéfini, il faut un ensemble de mini-actions, chacune conçue pour vous apprendre ce qui fonctionne, afin que vous puissiez vous adapter et réagir.
Cette approche d’apprentissage est bien plus efficace pour opérer dans des environnements complexes. La boucle OODA est un bon exemple de modèle décisionnel pour des scénarios complexes. OODA décrit un processus en quatre étapes : Observation, Orientation, Décision et Action. Développée par le colonel John Boyd de l’US Air Force, elle est toujours enseignée dans l’armée comme un moyen de gérer les situations à fort niveau d’incertitude.
On peut conseiller à un PDG ambitieux de définir son ambition à long terme, et de définir une feuille de route globale pour y parvenir. Cela fournira à son équipe des repères, tout en lui laissant la responsabilité de concevoir les actions nécessaires pour les concrétiser, en apprenant progressivement, puis en déployant celles qui fonctionnent.
Le paradoxe du leadership TACO réside dans le fait qu’à long terme, il expose le dirigeant à des accusations de faiblesse. Ce changement constant de cap témoigne d’un manque de compréhension et de jugement, mais surtout, il suggère aussi un manque de courage face à ses propres convictions.
Un leadership plus confiant consiste à esquisser une vision audacieuse, mais à avancer prudemment, en apprenant progressivement et en collaborant avec son entourage vers un changement durable et efficace. Sinon, vous risquez de prendre des décisions audacieuses, mais finalement insensées, qu’il vous faudra inverser, et vous serez taxé de « TACO » en guise de récompense.
En conclusion
En guise de conclusion, nous oserons plagier l’air brésilien de Zequinha de Abreu pour illustrer le style de management de Donald « Chicken » Trump :
Taco taco par ci, Taco taco par là,
Comme il est beau dans son costume de gala,
Coiffé d’un sombrero les cuisses bien à plat,
Sur son cheval il se promène à petits pas.