Avec la demande de véhi­cules élec­triques (VE) en crois­sance expo­nen­tielle, les produc­teurs de maté­riaux pour batte­ries sont bien placés pour en tirer profit. Mais la pénu­rie immi­nente de maté­riaux de conver­sion d’énergie pour­rait-elle limi­ter leur croissance ?

L’avenir de l’industrie auto­mo­bile dépend des giga­fac­to­ries. Ces usines de batte­ries géantes produi­ront des centaines de milliers de batte­ries dont les construc­teurs auto­mo­biles ont besoin pour produire des véhi­cules électriques.

Les giga­fac­to­ries sont à forte inten­sité de capi­tal, mais les construc­teurs auto­mo­biles et les fabri­cants de cellules y inves­tissent des milliards de dollars. Le défi est que ces giga-usines néces­sitent beau­coup de matières premières pour fabri­quer des batte­ries à grande échelle. Et une pénu­rie crois­sante de maté­riaux clés dans les batte­ries, tels que le lithium, le nickel et le graphite, ainsi que d’acier élec­trique et de terres rares pour les aimants, consti­tue une menace directe pour les objec­tifs de produc­tion de véhi­cules électriques.

Quelles mesures les acteurs du marché des batte­ries peuvent-ils prendre pour garan­tir l’approvisionnement futur ?

La pénu­rie de matières premières dans le secteur minier

Les packs de batte­ries sont soit produits par les fabri­cants de batte­ries, soit fabri­qués en interne par les construc­teurs auto­mo­biles. En règle géné­rale, les équi­pe­men­tiers sont moins fami­liers avec l’exploitation minière ou la chaîne d’approvisionnement en amont et s’appuient sur leurs four­nis­seurs de premier rang, les fabri­cants de cellules.

Le monde a besoin de centaines de nouvelles mines en acti­vité d’ici 2035 pour produire les giga­tonnes de maté­riaux de conver­sion d’énergie néces­saires pour atteindre les objec­tifs d’électrification. Plusieurs facteurs empêchent cette crois­sance. Le plus notable est qu’il faut actuel­le­ment des décen­nies pour déve­lop­per une nouvelle mine, en plus d’un long proces­sus d’autorisation préalable.

Une partie du problème réside dans le sous-inves­tis­se­ment des socié­tés minières du monde entier dans les nouvelles mines, ce qui est en partie dû à l’im­pact des défis inter­na­tio­naux liés à l’ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

En France, l’ESG est commu­né­ment appelé RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et intègre l’ISR (Investissement Socialement Responsable).

Dans des régions comme le Chili et la Bolivie, qui sont riches en réserves de lithium, les acti­vi­tés d’ex­plo­ra­tion sont retar­dées en raison des troubles publics liés aux ques­tions envi­ron­ne­men­tales. En consé­quence, les 10 plus grandes socié­tés minières mondiales n’ont investi qu’en­vi­ron 20 milliards de dollars dans des projets miniers en 2023. Cela repré­sente la moitié des 40 milliards de dollars de 2016.

Localiser la chaîne d’ap­pro­vi­sion­ne­ment des batteries

La chaîne d’approvisionnement des batte­ries s’appuie histo­ri­que­ment sur un appro­vi­sion­ne­ment du monde entier, y compris de la Chine. Les entre­prises chinoises ont réussi à garan­tir l’approvisionnement en matières premières grâce à des accords d’achat à long terme et à des inves­tis­se­ments stra­té­giques. Un exemple est Ganfeng Lithium, qui, grâce à une acqui­si­tion stra­té­gique, est désor­mais l’un des plus grands mineurs et raffi­neurs de lithium au monde. Récemment, elle a investi 3,1 milliards de dollars améri­cains pour étendre sa capa­cité dans trois usines de batte­ries au lithium, deve­nant ainsi entiè­re­ment inté­grée verticalement.

Le recours à une chaîne d’approvisionnement concen­trée n’est pas en soi le problème, pas plus que le niveau d’investissement requis. Cependant, les gouver­ne­ments du monde entier, qui ont d’importants marchés finaux et secteurs à proté­ger, souhaitent désor­mais tirer parti de cette opportunité.

L’Amérique du Nord et l’Europe cherchent à stimu­ler la crois­sance de l’industrie locale. Ces actions vont du soutien à la R&D et des inci­ta­tions aux subven­tions en capi­tal à l’influente loi sur la réduc­tion de l’inflation.

À l’autre extré­mité de la chaîne de valeur, des pays comme l’Indonésie, l’Australie, le Canada et le Chili, qui disposent d’importantes ressources en nickel, lithium, cuivre et autres matières premières précieuses, souhaitent profi­ter de la révo­lu­tion des véhi­cules électriques.

Réduire la demande de matières premières tout en augmen­tant l’offre

Pour réduire la dépen­dance de la chaîne d’ap­pro­vi­sion­ne­ment à l’égard de maté­riaux rares, les construc­teurs auto­mo­biles et de batte­ries trouvent des moyens de repen­ser les batte­ries, comme le déve­lop­pe­ment d’une tech­no­lo­gie de batte­rie lithium-ion sans cobalt.

Dans ses prévi­sions de la demande pour l’in­dus­trie auto­mo­bile, l’Advanced Propulsion Centre du Royaume-Uni a conclu que l’aug­men­ta­tion de l’offre et la réduc­tion de la demande étaient le seul moyen de combler l’écart. Cela signi­fie que toutes les mines de lithium plau­sibles devront être mises en service comme prévu, paral­lè­le­ment à une dimi­nu­tion de l’utilisation du lithium dans le secteur manufacturier.

Réduire la demande de lithium est possible en rédui­sant la taille des batte­ries et en utili­sant davan­tage l’hybride rechar­geable à combus­tion interne ou la pile à combus­tible dans les segments de voitures plus grands. Mais cela va à l’encontre de la tendance des voitures plus grosses et plus lourdes avec une auto­no­mie plus longue. Et cela n’est accep­table pour les clients que si l’infrastructure de recharge des véhi­cules élec­triques s’améliore rapidement.

Nous savons que la demande de véhi­cules élec­triques va augmen­ter. Mais si les construc­teurs auto­mo­biles n’ont pas de compo­sant parti­cu­lier pour la voiture, ils ne peuvent pas construire la voiture. C’est pour­quoi les gagnants dans ce domaine dispo­se­ront d’une chaîne d’ap­pro­vi­sion­ne­ment inté­grée et d’une stra­té­gie de recherche et développement.

Stratégies de réus­site pour les fabri­cants de cellules

Dans le monde en évolu­tion des miné­raux critiques, beau­coup de choses restent incer­taines. Mais le résul­tat final est clair : la plupart des voitures seront propul­sées par des moteurs élec­triques et stocke­ront l’énergie dans une batte­rie de grande taille.

Les entre­prises de fabri­ca­tion de cellules ont rapi­de­ment réalisé que la sécu­ri­sa­tion des maté­riaux était vitale. Pour les acteurs du marché des batte­ries, le succès de cette tran­si­tion dépend de la présence d’une vision, d’une stra­té­gie et d’un plan. Cela néces­site des conseils clairs dès le départ, étayés par des infor­ma­tions sur le marché, pour prendre les bonnes déci­sions d’in­ves­tis­se­ment au bon moment.

Trouver un parte­naire de livrai­son pour faci­li­ter l’ac­cès aux matières premières telles que le lithium, le nickel et le cuivre influen­cera le taux de crois­sance de toute entre­prise de maté­riaux pour batte­ries. Cela comprend des stra­té­gies d’intégration verti­cale visant à mieux sécu­ri­ser les chaînes d’approvisionnement, allant de la prise de parti­ci­pa­tions mineures dans des socié­tés minières à des coen­tre­prises. Ou cela pour­rait impli­quer une inté­gra­tion verti­cale complète, comme la posses­sion d’une opéra­tion d’ex­trac­tion de graphite natu­rel en Afrique direc­te­ment liée à une usine d’anodes active aux États-Unis.

Ce qui compte le plus, c’est de remé­dier aux contraintes d’approvisionnement avant qu’elles n’arrêtent les chaînes de montage. La tran­si­tion éner­gé­tique en dépend.

Matthew Crawford